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soient le plus remuant de tous les peuples et trouvent plus de plaisir à passer d'un endroit à l'autre que de jouir
de la vie en aucun. Si la noblesse française ne se rendait dans ses terres que sur l'ordre de la cour, les routes
ne seraient pas plus solitaires. 25 milles.
Le 12. Mon intention était de loger en garni ; mais, en arrivant à l'hôtel de Larochefoucauld, j'ai trouvé ma
bonne duchesse aussi hospitalière à la ville qu'à la campagne ; elle m'avait fait préparer un appartement. La
saison est si avancée, que je ne resterai à Paris que le temps nécessaire pour voir les monuments publics. Cela
s'arrangera bien avec mes visites à quelques savants pour lesquels j'ai des lettres de recommandation, et me
laissera la soirée pour les nombreux théâtres de cette ville. Dans mes notes, après un coup d'oeil rapide sur ce
que je vois d'une cité aussi connue en Angleterre, il m'arrivera de décrire plutôt mes idées et mes sentiments
que les objets en eux-mêmes ; qu'on se le rappelle bien, je me propose de dédier ce journal négligé bien plus
aux riens qu'aux choses d'une importance réelle. Des tours de la cathédrale, on embrasse tout Paris. C'est une
grande ville, même pour ceux qui ont vu Londres du haut de Saint-Paul. Sa forme circulaire lui donne un
grand avantage ; la clarté de son ciel, un plus grand encore. Il est maintenant si pur, qu'on se croirait en été.
Les nuages de fumée de charbon de terre qui enveloppent toujours Londres empêchent de bien distinguer la
grandeur de la capitale, mais je la crois excéder Paris au moins d'un tiers. Le Parlement est défiguré par une
porte dorée de mauvais goût et de grands toits à la française. L'hôtel des Monnaies est un bel édifice, et la
façade du Louvre une des plus élégantes du monde, parce que ( pour l'oeil au moins ) ils ne sont pas couverts
d'un toit ; sitôt que paraît le toit, le bâtiment en souffre. Je ne me rappelle pas un seul édifice renommé par sa
beauté ( ceux où il y a des dômes exceptés ) dans lesquels la toiture ne soit si plate, qu'on ne l'y aperçoive
point ou à peine. Quel oeil avaient donc les artistes français pour charger tant d'édifices de combles dont
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Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789
l'élévation est destructive de toute beauté ? Chargez le Louvre de ceux qui défigurent le Parlement ou les
Tuileries, que deviendra-t-il ? Passé la soirée à l'Opéra, que j'ai cru un beau théâtre jusqu'à ce que l'on m'ait
dit qu'il avait été bâti en six semaines ; alors ce ne fut plus rien pour moi, supposant qu'il devait crouler dans
six ans. L'idée de durée est une des plus essentielles à l'architecture ; quel plaisir donnerait une belle façade
en carton peint ? On donnait l'Alceste de Gluck avec mademoiselle Saint-Huberty, la première chanteuse,
une excellente actrice. Quant à la mise en scène, aux costumes, aux décors, au ballet, ce théâtre bat
Haymarket tout à plat.
Le 14. Traversé Paris pour voir M. Broussonnet, secrétaire de la Société d'agriculture, rue des
Blancs-Manteaux ; il est en Bourgogne. Visité M. Cook, de Londres, qui attend ici la saison pour montrer au
duc d'Orléans son drill plough [ Charrue servant à la fois à ouvrir les sillons à y semer le grain et à le
recouvrir de terre. On en trouve de nombreuses descriptions avec planches dans l'ouvrage de Bailey.
ZIMMERMANN ( Traduc. all. de ce Voyage, 93. ) ] ; voilà une idée française d'améliorer l'agriculture de
cette façon. On doit savoir marcher avant d'apprendre à danser. Il y a de l'agilité dans les cabrioles, et même
on peut y mettre de la grâce ; mais pourquoi en faire ? Il a beaucoup plu aujourd'hui, il est presque
incroyable, pour une personne habituée à Londres, combien les rues de Paris sont sales et le danger qu'il y a à
les parcourir ; la plupart manquent de trottoirs. La table était très garnie ; il s'y trouvait quelques politiques, et
on a causé de l'état présent de la France. L'opinion générale semble être que l'archevêque ne pourra tirer le
pays de sa situation actuelle ; les uns prétendent qu'il lui en faudrait la volonté, d'autres, le courage, d'autres
encore, la capacité. Certains ne le croient attentif qu'à son propre intérêt ; suivant les autres, les finances sont
trop dérangées pour être rétablies par aucun système, hors la réunion des états généraux du royaume, et une
telle assemblée ne peut se faire sans provoquer une révolution dans le gouvernement. Tous s'accordent à
pressentir quelque chose d'extraordinaire, et l'idée d'une banqueroute est loin d'être rare. Mais qui aura le
courage de s'en charger ?
Le 14. Abbaye des Bénédictins de Saint-Germain, piliers de marbre africain, etc., etc. C'est la plus
riche de France ; l'abbé a 300,000 livres ( 13,125 l. st. ). La patience m'échappe, quand je vois disposer de tels
revenus comme on le faisait au dixième siècle et non selon les idées du dix-huitième. Quelle magnifique
ferme on créerait avec le quart seulement de cette rente ! Quels navets, quels choux, quelles pommes de terre,
quels trèfles, quels moutons, quelle laine ! Est-ce que tout cela ne vaut pas mieux qu'un prêtre à l'engrais ? Si
un actif fermier anglais était derrière cet abbé, il ferait plus de bien à la France, avec moitié de sa prébende,
que la moitié des abbés du pays avec toutes les leurs. Passé près de la Bastille, autre objet propre à faire
vibrer dans le coeur de l'homme d'agréables émotions. Je mis en quête de bons cultivateurs, et à chaque coin
je me heurte contre, des moines et des prisons d'Etat. A l'Arsenal, pour voir M. Lavoisier, ce célèbre
chimiste dont la théorie, anéantissant le phlogistique, a fait autant de bruit que celle de Stahl, qui l'établissait.
Le docteur Priestley m'avait donné pour lui une lettre de recommandation. Dans la conversation, je parlai de
son laboratoire ; il m'y a donné rendez-vous pour mardi. Revenu par les boulevards à la place Louis XV, qui
n'est pas, à proprement parler, une place, mais la magnifique entrée d'une grande ville. Les façades des deux
édifices qu'on vient d'y élever sont parfaites. L'union de la place Louis XV avec tes Champs-Elysées, le
jardin des Tuileries et la Seine lui donne un aspect de grandeur et d'élégance ; c'est la partie la mieux bâtie et
la plus agréable de Paris ; on n'est pas dans la boue, et l'on respire librement. Mais, certes, la plus belle chose
que j'aie encore vue à Paris, c'est la Halle aux blés, immense rotonde ; la couverture, entièrement en bois, sur
un nouveau système de charpente, demanderait, pour en donner une idée, quelques planches accompagnées
de longues explications ; la galerie a 150 pas de circonférence, par conséquent autant de pieds de diamètre : à
sa légèreté, on la dirait suspendue par des fées. Des grains, des haricots. des pois et des lentilles sont
emmagasinés et vendus sur l'aire centrale ; la farine est mise sur des plates-formes de bois dans les divisions
qui entourent cette aire. On arrive par des escaliers tournants enlacés l'un dans l'autre, à de grandes salles pour
le seigle, l'orge, l'avoine, etc. Le tout est si bien conçu et si admirablement exécuté, que je ne connais pas, en
France ou en Angleterre, un monument qui le surpasse. Et si l'appropriation de toutes les parties aux
exigences du service, l'adaptation de chacune à sa fin spéciale, unies à cette élégance qui ne demande aucun
sacrifice de l'utilité et cette magnificence résultant de la solidité et de la durée, si ces conditions, dis-je, sont
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celles de l'excellence d'un édifice public, je n'en connais pas un qui l'égale. On ne peut y faire qu'un reproche,
sa situation ; on l'aurait dû mettre sur le quai pour y décharger les bateaux sans recourir au transport par terre.
Le soir, à la Comédie italienne, beau bâtiment, tout le quartier est régulier et nouvellement construit : c'est
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